La Population de Chevêches en Sarthe

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

Six ans déjà que depuis l’année 1999, avec le groupe LPO Sarthe, nous recherchons la Chevêche dans notre département. J’avais pris cet engagement afin d’améliorer notre connaissance très limitée de la chevêche en Sarthe, mais aussi pour comparer les données d’aujourd’hui à celles antérieures (GSO 1990). Cette petite chouette si emblématique et pleine de mystères méritait bien que l’on envisage une longue prospection afin de découvrir ses biotopes favorables et connaître la distribution de l’espèce en Sarthe avec sa densité de population.

Par la suite, une seconde phase permettrait d’étudier les causes de disparition et éventuellement d’apporter des mesures de protection puis sensibiliser la population humaine. 

 

 Collecte des données

 

J’ai consacré la 1ère année d’enquête à me familiariser avec le procédé de la repasse qui consiste à parcourir les secteurs à étudier en émettant régulièrement avec un magnétophone plusieurs séquences du chant d’un mâle préenregistré. Si un couple ou un mâle occupe ce secteur, le mâle répondra la plupart du temps. Les soirées débutent en fonction de la météo du début février jusqu’à la fin avril car ensuite, les femelles couvent et il serait certainement préjudiciable d’envoyer des cris d’intrus sur leur territoire. (J-C.Genot, P.Lecomte 1998).

Le temps doit être calme sans vent ni pluie pour assurer un maximum d’efficacité.

 

Une trentaine de personnes qui ne connaissaient pas la Chevêche m’ont accompagné lors de ces périples nocturnes, Jean Joseph et Sylvaine dans plus d’un quart des sorties et tous les membres du CA ont également participé à quelques sorties. Certains (Jérôme, Jacky, Roland) ont eux même organisé des sorties de recensement ou de surveillance de nichées permettant de collecter quelques données intéressantes.

 

Un groupe d’observateurs du canton de Sablé composé de : Eric et Olivier Lapous, Huguette Davière, André et Jean-François Darras, Nicolas Gasco, Sébastien Gautier et Christian Redou qui collectent les observations de Chevêches sur ce canton depuis 1995 ont alimenté ma banque de données sur les communes de Sablé-sur-Sarthe, Auvers-le-Hamon, Juigné, Précigné, Souvigné-sur-Sarthe, Avoise et Vion.

 

D’autres personnes extérieures à la LPO ont collaboré au recensement, comme L.Razafindrakoto sur la région de La Ferté Bernard ou à la pose de nichoirs, tel le club jeune nature de Asnières-sur-Vègre ou le club Nature de Joué l’Abbé dont certains membres participent maintenant à un gros travail de protection et de sensibilisation sur leur commune.

Au cours de ces 6 années :

- 49 sorties de repérage ont eu lieu afin de découvrir les zones et les pointer sur une carte IGN.

- 69 soirées ont été organisées pour avoir le plaisir de découvrir et d’entendre les mâles chanteurs.

- 24 sorties ont été consacrées à la protection, entre autres pour les bouchages de poteaux PTT et la pose de nichoirs.

Au total, ce sont 7800 kms de petites routes qui ont été arpentées pour rechercher cet oiseau qui nous a privés de télé pendant 420 heures.

24 communes ont été prospectées à 100%, 20 communes à 70%, 11 communes à 50%, 25 communes à 30% et pour 58 communes, le pourcentage de territoire prospecté est compris entre 5 et 20%.

Environ 80% des couples ont été découverts grâce à ce procédé. Les autres données viennent des informations collectées par des personnes sensibles à la cause des oiseaux qui ont réagi, grâce aux articles sur la chevêche parus sur différents journaux.

Les nuits de la chouette organisées par la LPO et la présence d’un stand sur les marchés bio ou diverses manifestations liées à la nature, m’ont également apporté des renseignements sur la situation géographique de cet oiseau.  

 

Sensibilisation

 

 

Lors de ces années d’enquête, toutes les personnes m’ayant accompagné lors des périples nocturnes ne resteront pas insensibles maintenant à l’écoute ou à la découverte de cet oiseau.

- 24 autres sorties diverses de sensibilisation représentant 1 260 kms de déplacement et 83 heures de disponibilité ont été nécessaires pour aiguiser les connaissances de beaucoup de novices sur cette espèce.

- Hormis les nuits de la chouette, dédiées à tous les rapaces nocturnes, trois soirées spéciales chevêches ont été organisées rassemblant entre 10 et 45 personnes par soirées toutes passionnées par cet oiseau. Projection diapo, film et sortie en groupe ont animé ces soirées.

- Quelques sorties se sont déroulées en présence de maires de communes pour la pose de nichoirs dans des bâtiments publics ou pour l’évocation de problèmes rencontrés sur la mutation de certains sites sensibles.

- La majorité des déplacements s’est effectuée suite à l’information de personnes ayant connaissance d’une chevêche en difficulté ou d’un propriétaire de terrain désirant apporter des aménagements pour la reproduction de cette espèce.

- Un panneau plastifié a été réalisé par le groupe LPO Sarthe qui nous permet lors de présentations de notre stand de favoriser le contact auprès des badauds connaissant cet oiseau.

 

Enquête comparative sur 9 cantons

 

 

Sur ce 1er tableau, vous trouverez une liste de 9 cantons qui comporte un échantillonnage assez diversifié de paysages différents : bocages, forêts et bois, prairies, cultures intensives et extensives, périphéries des villes et villages. Dans cette mosaïque de paysages manquent les plaines céréalières du département plutôt défavorables à la chevêche ainsi que les collines des Alpes Mancelles plutôt favorables.

Les cantons ont été choisis afin de simplifier la recherche des surfaces, sachant que les résultats obtenus sur ceux-ci, sont l’addition des données de leurs communes respectives.

 

 

CANTONS

Superf/km²

%

 réalisé

Prosp/km²

Points réalisés

Nbr mâles

Nbr Cples

Mâles/km²

Cples/km²

Ballon

179,81

22

39,56

86

20

11

0,51

0,28

Château du Loir

189,35

22

41,66

30

3

2

0,07

0,05

Ecommoy

215,96

76

164,13

126

7

6

0,04

0,04

La Suze sur Sarthe

189,79

84

159,42

181

5

3

0,03

0,02

Le Mans Sud

77,35

68

52,60

11

6

4

0,11

0,08

Le Mans Nord

104,6

47

49,16

29

11

8

0,22

0,16

Malicorne

214,61

37

79,41

63

12

10

0,15

0,13

Pontvallain

211,49

39

82,48

45

3

2

0,04

0,02

Sablé sur Sarthe

320,91

44,31

142,20

120

38

17

0,27

0,12

Total ou Moyenne

1703,87

47,5

810,61

691

105

63

0,13

0,08

Tableau 1

 

 

 

 

 

 

 

 

Le tableau 1 comporte :

- Le nom du canton.

- Sa superficie en km².

- Le pourcentage de prospections effectué par rapport à la superficie totale.

- La superficie en km² correspondant à ce pourcentage. La surface de prospection comprend l’ensemble des zones avec des points d’écoute ainsi que les zones jugées visuellement défavorables, bois, forêts, et grandes surfaces sans arbre ni bâtisse.

- Le nombre de points réalisés par la méthode de la repasse en respectant la règle de 1 point par km² (hors centre bourg, bois, plaines sans arbre ni bâtiment).

- Le nombre de mâles chanteurs entendus.

- Le nombre de couples sûrs ou présumés, qui sont repérés soit au chant du mâle et de la femelle ou lors d’une deuxième sortie de jour vers le mois de juin afin de visualiser les jeunes ou les couples.

- La densité de mâles chanteurs sur le canton.

La densité de couples sur le canton, mais cette valeur n’est pas représentative car le temps nécessaire pour effectuer cette recherche nous manque. Ainsi le nombre de couple est certainement sous- estimé.

Sur ce tableau, figurent les cantons dont les surfaces prospectées correspondent à une surface minimum de 22% afin d’avoir un résultat cohérent se rapprochant le mieux possible de la réalité.

 

Par rapport à ces chiffres, une extrapolation a été réalisée pour calculer la densité de mâles chanteurs et de couples dans ces 9 cantons.

 

Les chiffres du deuxième tableau concernent 11 cantons sur lesquels les écoutes ont été effectuées sur une surface comprise entre 2 et 20% de la surface de chaque canton, donc en principe non représentative d’une valeur se rapprochant de la réalité en faisant une extrapolation.

 

 

CANTONS

Superf/km²

%

réalisé

Prosp/km²

Pts réalisés

Nbr mâles

Nbr Cples

Mâles/km²

Cples/km²

11 Cantons

2123,01

14,50

307,93

323

27

13

0,09

0,04

Tableau 2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce troisième tableau est destiné à collecter l’ensemble des données sur le département.

 

SARTHE

Superf/km²

%  réalisé

 

Prosp/km²

Pts réalisés

Nbr mâles

Nbr Cples

Mâles/km²

Cples/km²

SARTHE

6205,92

18,60

1154

1010

136

80

0,12

0,07

 

 

On remarque que sur ces 3 tableaux, en appliquant la valeur mini et maxi le nombre de mâles chanteurs oscille entre 550 et 800 individus.

 

La superficie prospectée, 18,6 % de l’ensemble du territoire paraît assez représentative en terme de milieux de l’ensemble du département.

 

En outre, le nombre de couples est probablement sous estimé comme l’indique l’écart important  entre les mâles chanteurs 136 et les couples 80.

 

 

En appliquant la valeur moyenne de ces données, on peut estimer entre 450 et 550 le nombre de couples de chevêches dans la Sarthe.

 

Où trouve t’on la Chouette Chevêche en Sarthe ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Sur tous les milieux observés où nous l’avons découverte, plusieurs types d’occupation du sol apparaissent :

- Les vieux vergers devenus très rares.

- Les prairies naturelles ou temporaires fauchées ou pâturées.

- Les haies très peu fournies ou les arbres isolés (vieux fruitiers ou têtards).

- Les proximités de villages et de fermes.

Nous n’avons trouvé aucune trace de Chevêche dans les bois et forêts, dans les vergers intensifs, dans les plaines céréalières dépourvues d’arbres .Nous ne l’avons pas découverte non plus dans les bocages fermés avec des haies très denses.

 

Sur 47 sites où l’occupation du sol a été notée, 4 groupes dominent :

- 34 sites à proximité de fermes ou de centres équestres avec une grande surface consacrée aux prairies pâturées ou de fauche et qui comportent soit une rangée d’arbres têtards (chênes en général) clairsemés ou seulement quelques vieux arbres isolés.

- 6 sites situés sur des terrains avec petits champs pâturés, sans arbre intéressant mais avec des bâtiments proches.

- 4 sites situés dans de vieux vergers au milieu de prairies pâturées.

                                                                                                 Photo : Frédéric Diraison

 

- 3 sites situés sur de petits terrains de loisirs comportant quelques vieux pommiers et pâturés par chevaux ou moutons.

Dans 90% des cas, les sites très éloignés les uns des autres ne sont occupés que par un à deux couples.

Il suffit que quelques arbres ou un bâtiment disparaissent et la zone perd tout attrait pour cette espèce. La survie de ces quelques couples résulte souvent de deux modifications de paysage différentes.

- Sur les secteurs où d’importants remembrements ont été effectués faisant disparaître tous les vieux vergers et les rangées d’arbres têtards, certains couples ont subsisté en profitant de quelques arbres épars épargnés autour de bâtiments de ferme ou bien se sont installés directement dans des combles ou des dépendances de bâtiments souvent aux abords des villages.

- Sur d’autres secteurs constitués de bocage à maillage serré avec des haies très denses, des remembrements moins agressifs sont apparus. Cela a permis, avec l’agrandissement des parcelles, l’éclaircissement des haies et la conservation de quelques arbres, la conquête de ces nouveaux espaces par quelques couples, soit des jeunes issus de noyaux importants de reproducteurs en quête de nouveau territoire ou de couples déjà constitués délogés par les enjeux économiques de notre vie moderne dévastatrice.

 

Le Top 5 des chouettes communes :

 

 

Seulement 4 noyaux comportant une population de 3 à 6 couples nicheurs ont été découverts.

La densité est une unité de mesure délicate à utiliser pour faire des comparaisons sur de petites surfaces car la difficulté est de définir le périmètre de ces îlots de reproduction. Plus nous étendons la surface et moins la densité est importante, il faut donc bien en tenir compte dans le tableau suivant.

 

COMMUNES

Superf/km²

%

réalisé

Prosp/km²

Points

réalisés

Nbr

mâles

Nbr Cples

Mâles/km²

Cples/km²

Coulaines

3,93

100

3,93

5

4

4

1,02

1,02

Arthezé

8,65

90

7,79

10

6

6

0,77

0,77

La Guierche/Joué

18,27

75

13,70

39

10

5

0,73

0,36

Souvigné / Sarthe

17,06

100

17,06

?

11

3

0,64

0,18

Asnières / Vègre

12,64

90

11,38

14

5

3

0,44

0,26

Total ou Moyenne

60,55

113,75

53,85

68

36

21

0,67

0,39

 

La commune de Coulaines semble la plus favorable pour le maintien de cette espèce Ces chiffres sont dus à la présence d’un actif noyau de reproduction sur une petite surface .En effet, aux portes de cette ville, l’existence d’une petite ferme possédant un environnement privilégié pour les oiseaux cavernicoles, composé de petites prairies à bovins et surtout de nombreux chênes têtards et de très vieux arbres fruitiers (surtout cerisiers) comportant de nombreuses cavités permettaient à ces petites chouettes de se reproduire en toute quiétude. Aujourd’hui cette petite ferme a disparu et l’environnement commence à se modifier.

En périphérie de ce noyau, deux couples sont observés régulièrement aux abords du Mans, et plus au Nord, un couloir de milieux favorables semble exister vers Sargé puis Neuville-sur-Sarthe.

 

Suite à une succession de remembrements sur la commune de Arthezé, certains couples restent autour des fermes qui ont su conserver quelques vieux arbres. Quelques autres couples sont installés dans la périphérie du village qui comporte de nombreux bâtiments en pierre et quelques granges. L’église qui avec son grand âge a perdu quelques grosses pierres sur sa façade fait le bonheur d’un couple de Chevêches qui se reproduit chaque année avec succès dans une de ces cavités.

 

Sur les communes de Joué l’Abbé et la Guierche, une petite population existe un peu partout dans ces deux communes, disséminée dans les fermes où les herbages sont nombreux et où plusieurs rangées de chênes têtards ont été conservées pour abriter les animaux. Malheureusement, ces villages grossissent et suppriment les prairies en leur périphérie, les remembrements ne sont pas terminés et un projet de ligne TGV viendra encore détruire quelques sites supplémentaires à Chevêches.

 

Sur la commune de Souvigné ainsi que sur plusieurs autres communes du Sud Ouest de la Sarthe rattachées au canton de Sablé sur Sarthe, on découvre les Chevêches sur des milieux assez différents des autres endroits de la Sarthe.

De nombreuses fermes sont présentes entourées de vastes champs cultivés dans lesquels sont parsemés des élevages de porcs, volailles et vaches laitières .Dans ces milieux disposant de très peu d’arbres, 80% de la population recensée se cantonne autour des bâtiments de ferme. Par manque de temps des observateurs (E.Lapous et C.Redou) les couples n’ont pu être comptabilisés mais il ne serait pas inconcevable de trouver 7 à 8 couples nicheurs sur une commune qui compte 11 mâles chanteurs. Malgré cette adaptation aux bâtiments, la tranquillité n’est pas de mise car il existe encore des propriétaires acariâtres qui obturent les trous sous les toits des granges afin de repousser ces oiseaux et ne plus les entendre crier.

 

La commune d’Asnières sur Vègre située également dans le canton de Sablé comportant quelques petits vallons arborés est celle qui compte le plus de couples nichant dans les habitations.

 

Dans tous ces cas, la population reproductrice est regroupée par couples ou en îlots ; résultant de la fragmentation des habitats par l’homme et sur beaucoup de sites paraissant favorables, le manque de cavités semble être la cause principale de l’absence de cet oiseau .La Chevêche est très fidèle à son site car de nombreux couples sont notés nicheurs sur le même territoire depuis ces six années d’enquête et sur un site dans le Belinois, un couple occupe les lieux depuis au moins 10 ans. Est-ce le même ?

Types de cavités

 

Seules les cavités de nidification confirmées par des observations directes ont été prises en compte. Sur 34 sites découverts les données sont les suivantes :

 

- Arbres 59% : chênes 16 sites, pommiers 3 sites, poirier 1 site.

 

- Bâtiments 35% : granges 4 sites, églises 2 sites, dessous de toit, maisons ou dépendances 4 sites, dépendances jouxtant la maison 2 sites.

 

- Divers 6% : tas de bois 2 sites.

 

 

Nichoirs :

 

Entre 2000 et 2004, 42 nichoirs ont été posés sur 23 sites catégorisés en 2 types :

 

- 11 sites où l’espèce est présente mais sans beaucoup de chances d’extension de la population par manque de cavités.

 

- 12 sites favorables pour l’espèce qui n’est pas systématiquement présente mais dont les propriétaires ont été  sensibilisés par la protection de cet oiseau. Chaque site comporte entre 1 à 4 nichoirs.

 

Sur 3 sites différents, les nichoirs ont été occupés seulement trois mois après avoir été posés, ce qui dénote bien l’absence de cavités favorables pour la nidification.

 

Chez un particulier, suite à la nidification d’un couple nichant dans un tas de bois, nous avons posé un nichoir qui finalement a profité à un rouge-queue car cette année, le couple s’est de nouveau accaparé son ancien logement.

 

 

Nidification :

 

Hormis sur 1 site, les cavités naturelles de nidification ne sont pas explorées .La nidification est confirmée par la présence de jeunes aperçus au crépuscule près de leur lieu de naissance ou par des informations concernant des jeunes trouvés au sol.

 

Sur un site suivi plus particulièrement à Coulaines (R.Pellion), trois nichées ont été découvertes en 2002 composées, deux de quatre jeunes, et une de trois jeunes.

Sur plusieurs autres nichées situées dans les bâtiments, les informations collectées ciblent le nombre de jeunes entre deux et quatre par famille.

 

La pose et le suivi des nichoirs en 2004 m’a permis tout d’abord de m’extasier devant tant de bébés chouettes et ensuite de dresser un premier inventaire sérieux sur la reproduction.

 

Dans le tableau suivant, nous pouvons constater que les premières éclosions s’étalent de la mi-mai pour les plus précoces à la mi-juin pour les plus tardives, avec un pic situé dans la deuxième quinzaine de mai .

 

Pour cette année 2004, les premiers œufs ont donc été pondus début avril et nous pouvons trouver des jeunes non émancipés jusqu’à la fin du mois de juillet.

 

Nous constatons également que les nichées tardives comportent moins d’œufs et de jeunes, ce qui est peut-être dû à de jeunes oiseaux reproducteurs ou à une ponte de remplacement.

Site

Nichoir ou Cavité

Nbre d'oeufs

Nbre

de jeunes

Date de

naissance

Observations

1

Horizontal

4

4

11/05/2004

 

2

Horizontal

4

4

19/05/2004

3 jeunes, disparus après la mort du mâle

3

Horizontal

4

4

19/05/2004

 

4

Horizontal

3

3

19/05/2004

 

5

Horizontal

4

4

19/05/2004

 

6

Caisse à vin

3

2

18/05/2004

 

7

Caisse à vin

4

4

17/05/2004

 

8

Horizontal

2

1

02/06/2004

 

9

Horizontal

3

2

15/06/2004

 

10

Tas de bois

?

4

21/05/2004

Femelle noyée dans un abreuvoir

11

Sous un toit

4

4

15/05/2004

 

12

église

?

1+?

02/06/2004

Vue au sol dans une bouche de gouttière

Total

 

35

37

 

 

 

 

Nourriture :

 

Sur tous les sites, au bout de la cinquième année, nous n’avons pu sérieusement analyser le régime alimentaire.

Les quelques relevés démontrent une quantité importante d’élytres de petits coléoptères et d’insectes présents dans les pelotes selon les milieux .En passant quelques nuits à faire des photos sur un site, R.Pellion a pu remarquer que dans une nichée de jeunes âgés au moins de dix jours, la femelle rapportait beaucoup d’insectes à ses jeunes (surtout des papillons nocturnes) mais les proies les plus communes se composaient de mulots, campagnols, musaraignes et aussi quelques taupes.

 

Sur un site, une dizaine de restes de lucanes cerf-volant mâles ont été découverts au pied de piquets de clôture. La Chevêche semble capturer les lucanes mâles de petite taille, décortiquer la tête, les pattes et les élytres pour ne manger que le corps.

 

A partir de 2004, suite à la visite des nichoirs, nous avons pu constater que la Chevêche comme beaucoup d’autres oiseaux ou mammifères, adaptait son régime alimentaire à la disponibilité des proies que leur offrait le milieu.

 

 Dans un nichoir près d’une ferme, nous avons trouvé en réserve pour la femelle et les jeunes trois cadavres de moineaux, un mulot ainsi que des plumes de merle. Les jeunes avaient 5 ou 6 jours.

 

Dans un autre nichoir occupé, un mulot et des plumes de merle étaient déposés tandis que 5 autres nichoirs comportaient également des plumes de merles. A cette époque les jeunes merles et étourneaux malhabiles paient un lourd tribu auprès des rapaces diurnes ou nocturnes.

 

Dans un nichoir ne comportant qu’un jeune sur deux œufs, le volume de nourriture (mulots) était prévu pour deux ou trois becs supplémentaires et ainsi s’entassait et pourrissait à l’entrée du nichoir .Après plusieurs observations de nichoirs occupés par des jeunes d’une quinzaine de jours, il est constaté que le mâle n’entre pas dans le nichoir mais dépose simplement ses proies à l’entrée et retourne chasser.

 

Risques et dangers :

 

Les risques encourus par les Chevêches sont fortement liés à la proximité de la gent humaine.

Ci-dessous un tableau rapportant les mortalités d’oiseaux lors des 5 dernières années.

 

Causes de mortalité

Nbre en 2000

2001

2002

2003

2004

Collision ou écrasement par véhicule

2

2

3

3

3

Noyade dans des abreuvoirs

2

1

 

 

1

Victime d'animaux familiers

1

1

 

 2

 

divers

2

 

 

1

 1

Total

7

4

3

6

5

 Tableau 6

 

 

 

 

 

 

Le trafic routier parait représenter un large pourcentage de mortalité sur cette espèce. Les collisions en vol sont très importantes mais beaucoup de jeunes non volants sont également trouvés chaque année errant sur la route. On peut imaginer que la présence de nombreux insectes percutés par les voitures et gisant blessés sur le bord des routes attirent d’abord les parents qui trouvent ici leur garde-manger et ensuite, les jeunes, qui, sans faire d’effort attendent directement les parents sur le lieu du repas.

Sur un site à Aigné, pendant trois années consécutives un jeune a été retrouvé sur le bord de la chaussée tout près du lieu de reproduction et c’est grâce à l’intervention du propriétaire et à de jeunes naturalistes du secteur que ces oiseaux sont mis hors de danger.

Les périodes à risques concernant les collisions sont :

- La période d’élevage des jeunes car les parents doivent multiplier les traversées de route pour rapporter la nourriture.

En juin 2004 sur un site à Arthezé, un mâle a été trouvé mort sur la route alors qu’il avait une famille de quatre jeunes âgés d’une quinzaine de jours. Suite à cette catastrophe, trois jeunes ont disparu et la femelle a élevé seule le dernier jeune.

 

Par temps très froid l’hiver ou par temps de neige, les proies se raréfient et de ce fait, les oiseaux prennent également des risques en chassant sur des territoires plus éloignés dont les dangers leur sont moins familiers.

Sur un site à Spay où je passe régulièrement chaque matin depuis plus de vingt ans ,je n’ai aperçu que sur deux années pendant trois à quatre jours une chevêche perchée sur un piquet de clôture au bord de la route cherchant ses proies. A chaque observation, la température était inférieure à – 10°C.

 

Les noyades sont souvent constatées à la belle saison dans des abreuvoirs à animaux aux parois si lisses que les oiseaux ne peuvent s’y agripper. En juin 2004 , sur un site à Ruaudin ,une femelle s’est noyée dans un abreuvoir à chevaux alors que le pieu habituellement en place pour éviter justement les noyades avait été retiré la veille pour nettoyer l’abreuvoir et non remis en place. Nous pensons que ses jeunes, tout juste volants, aperçus le lendemain sur un tas de bois ont pu se débrouiller seuls ensuite avec le mâle pour se nourrir. Les Chevêches sont-elles attirées par les abreuvoirs pour boire, se baigner ou récupérer les insectes pris au piège,…mystère.

 

La sensibilisation des agriculteurs et des éleveurs pourrait atténuer ce problème à condition de trouver un système anti-noyade imputrescible, non corrosif et peu onéreux car beaucoup d’entre eux refusent de laisser une planche ou un pieu dans l’abreuvoir.

 

- Dans les diverses mortalités, il m’a été rapporté l’ignorance d’un charpentier couvreur qui en l‘absence du propriétaire avait déniché deux jeunes chevêches qu’il a déposé sur un muret en plein soleil pour les réchauffer. Le soir venu, quand le propriétaire est rentré, les jeunes étaient morts déshydratés.

Sur un autre site, un adulte a été malheureusement enfermé plusieurs jours et est mort dans une cabane de jardin .Seule la sensibilisation peut éviter ce genre d’erreur en laissant par exemple une ouverture dans les abris de jardin.

- Les cheminées ainsi que les cavités métalliques (ex : poteaux PTT) représentent un grand risque pour ces oiseaux car on sait qu’un oiseau cavernicole explore toute sorte de cavité qu’elle soit de bois, de ciment ou métallique.

En début 2004, nous avons été informés de l’existence de trois nichées de chouettes Effraies dans d’anciennes grandes cheminées de fermettes dont l’une avait une hauteur de cinq mètres que les parents escaladaient nombre de fois par nuit pour alimenter les jeunes.

- Dans les deux autres cas, ce sont les propriétaires des lieux qui ont contacté la LPO et l’ONCFS pour d’abord connaître les intrus qui se trouvaient dans la cheminée et ensuite les faire déguerpir. Eh oui, malheureusement, les mentalités n’évoluent pas toutes au même rythme, mais des solutions ont été trouvées afin que les parents puissent continuer à nourrir les jeunes.

Dans un cas, les jeunes ont été déposés dans un nichoir, installé pour l’occasion dans un arbre à proximité du lieu de reproduction et l’opération s’est déroulée avec succès.

 

 

Protection et avenir de la Chevêche en Sarthe :

 

La modification du paysage et l’intensification de l’agriculture façonnera encore pendant de nombreuses années un environnement défavorable pour la chouette chevêche. Certes le conseil général encourage la replantation de haies mais la flore et la faune existant dans les anciennes haies plusieurs fois centenaires avec leurs vieux arbres façonnés en têtards auront à tout jamais disparu. Les nouvelles haies seront conduites différemment et les arbres élagués de chaque côté avec des moyens mécanisés. Les arbres têtards oubliés par notre économie et ignorés à cause de la rudesse du travail pour les tailler n’existeront que sur des parcelles destinées à l’élevage ou l’agriculture de loisirs ou peut-être sur des zones conservatoires.

 Afin d’anticiper la régression de cette espèce, plusieurs actions à moyen et long terme peuvent être envisagées selon les problèmes.

 

 

Sensibilisation :

 

Toutes les actions de sensibilisation citées plus haut sont primordiales et devront être intensifiées afin de récolter les informations de terrain, fidéliser les contacts et leur apporter toute notre expérience.

 

- Le ramassage des jeunes trouvés au sol :

 

Au début de notre enquête, de nombreuses jeunes chevêches et autres rapaces nocturnes étaient trouvés au sol et rapportés innocemment par des particuliers à des organismes compétents ou non.

Au fil des ans, ce phénomène dans notre département se raréfie dû vraisemblablement à l’intensification de nos actions de sensibilisation et de communication. Certes le zéro est difficilement accessible mais avec notre nouvelle expérience, deux solutions paraissent raisonnables avec l’appui de l’O.N.C.F.S. pour la réintroduction à l’état sauvage de nouveaux jeunes qui nous seraient rapportés. Cette opération se classerait en deux actions selon l’âge des jeunes.

 

- Pour les jeunes âgés de moins de trois semaines, la mise en nourrice dans une petite famille du même âge, située dans un nichoir pourrait être envisageable, car d’une part, sur la disponibilité d’une dizaine de couples occupant aujourd’hui les nichoirs, la panoplie d’âges est bien représentée et d’autres part nous avons bien remarqué que dans les petites familles existait un surplus de nourriture.

 

J’ai déjà réalisé cette opération avec une jeune hulotte réintroduite dans une famille de quatre jeunes nées en nichoir en ajoutant un complément de nourriture les premiers jours et l’opération s’est très bien déroulée.

 

- Pour les jeunes âgés de plus de trois semaines, le relâchage au taquet serait une nouvelle expérience qui permettrait de relâcher les jeunes dans de bonnes conditions .Il est clair que le but n’est pas de se substituer aux centres de sauvegarde mais ceux-ci sont très éloignés et l’intérêt consiste à relâcher ces jeunes dans leur région d’origine.

 

- Aménagement des bâtiments :

 

Concernant les chevêches nichant dans les bâtiments, il faut absolument inciter ces propriétaires à aménager des cavités ou des nichoirs pour favoriser la reproduction et sécuriser les nichées. Ce système éviterait ainsi les quelques désagréments causés par une famille installée sous un toit ou dans les combles (bruit, odeurs, détérioration isolation etc.) Les mortalités causées par les animaux familiers (chiens, chats) pourraient être réduites en posant au sol des abris adaptés à cet effet.

 

- Pose de nichoirs :

 

Cette activité ne représente bien sûr pas une solution d’avenir mais elle peut temporairement aider à soutenir une population existante et favoriser son augmentation. Cette action peut être conduite par bon nombre de propriétaires de petits terrains ou de vergers qui veulent s’investir dans la lutte naturelle contre les petits rongeurs, ou le simple bonheur d’aider ces oiseaux.

 

- Sites naturels :

 

Ceux-ci sont la propriété des agriculteurs, des communes et des particuliers.

Pour l’ensemble de ces partenaires, de nouveau l’action primordiale reste la sensibilisation afin de les informer et de les convaincre de l’utilité de ces milieux.

- Pour les communes, des projets pourraient être menés afin d’aménager des zones inondables ou inexploitables en espaces verts naturels plantés d’arbres  conduits en têtards.

- Les propriétaires de petits terrains ou de vergers pourraient être dirigés vers l’attrait de la culture biologique, l’aménagement de cavités de leurs vieux arbres ou la plantation de fruitiers haute tige etc.

- Enfin des journées à thème ou techniques pourraient être organisées auprès du grand public afin de faire découvrir la plantation si simple de saules (ou autre) la conduite en têtard, la taille et l’élagage avec le partenariat de professionnels ou d’écoles d’agriculture .

 

Conclusion :

 

Une avancée importante a permis de lever une partie du voile sur la population de la Chevêche et ses milieux en Sarthe. L’effectif du département tourne certainement autour de 500 couples. Mais il faut rester toutefois prudent sur l’interprétation des résultats qui ne demandent qu’à être consolidés au fil des années en poursuivant le travail de recensement qui ne pourra qu’être bénéfique pour les futures actions de protection.

 

 

Ouvrages :

 

-.Génot J-C. Lecomte, P. (1998). - Essai de synthèse sur la population de Chevêche d’Athéna Athena noctua en France. Ornithos volume 5 ; n°3

 

- Génot, J-C. (199) Chevêche d’Athéna in Rocamora, G. & Yeatman-Berthelot, D. (1999) .-Oiseaux menacés et à surveiller de France. SOEF / LPO Paris. p 303.

 

- G.S.O. (publié en 1991, non daté). - Les Oiseaux nichoirs de la Sarthe. Groupe Sarthois Ornithologique.

 

- Ainsi que le site Noctua www.noctua.org où J.Bultot m’a apporté de précieux conseils